Si personne n’est présent, l’arc-en-ciel n’existe pas ! Le réel est-il dans votre tête ?
Le biocentrisme et sa vision paradigmatique (Dr. Robert Lanza)
Le biocentrisme est une théorie philosophique du XXIe siècle instauré par le docteur Dr. Robert Lanza (1956- ) 2. Ce chercheur s’est basé sur les lois de la physique quantique et, plus particulièrement, sur les expériences de la double fente (double slits experiment) pour étayer les principes fondamentaux du biocentrisme. Il s’est notamment inspiré de l’interprétation de Copenhague au sujet des « paradoxes » de la physique quantique. En effet, l’expérience d’Einstein-Bohr ou « expérience de la double fentes » que nous verrons en détails plus loin contredit en quelque sorte la théorie de la relativité générale finalisée par Albert Einstein (1879-1955). En effet, cette contradiction est plus connue sous le nom du paradoxe Einstein-Rosen-Podolsky, qui oppose des particularités de la physique quantique à la physique classique en ne respectant pas certains principes de la relativité. En outre, les particules subatomiques semblent « communiquer » instantanément entre elles malgré la distance qui les séparent dans l’espace-temps. Ainsi, cette caractéristique déroge à la théorie d’Albert Einstein définissant la vitesse de la lumière comme ayant la vélocité la plus élevée dans l’univers et représentant une constante universelle. Cependant, la physique quantique définit une réalité prouvée expérimentalement et caractérisée par des lois physiques fiables. Nous verrons au fil du livre que l’analogie entre la conscience et la physique quantique ne relève pas de la spéculation. Il existe en effet un lien étroit entre les deux et c’est justement dans la recherche de ce lien qu’il pourra alors être possible de comprendre la totalité de la réalité qui nous entoure. C’est ainsi que le biocentrisme ouvre une voie philosophique nouvelle avec des hypothèses intégrées dans un paradigme révolutionnaire qui conviendra d’utiliser afin de fournir des preuves scientifiques allant pour ou contre une « théorie quantique de l’esprit ». Ce syncrétisme permet de faire le lien entre les concepts de la physique et la biologie de la conscience et donc, se situe dans le champ de la psychophysique mis préalablement sur pieds par G. Fechner.
Pour le moment, l’application de la physique au cerveau n’a pas encore permis de démontrer comment un ensemble de molécules forme un concept autant singulier que celui de la conscience. Cependant, l’expérience d’Einstein-Bohr initialement expérimentée avec des photons (particules de lumière) démontre expérimentalement que la matérialisation de la particule dépend étroitement de « l’acte d’observation ». Il sera expliqué en détails chaque parcelle de l’expérience afin d’y voir plus clair.
Le biocentrisme peut constituer une révolution scientifique fondamentale qui regroupe une quantité non négligeable d’éléments permettant d’avoir une vision critique sur l’univers dans lequel nous vivons et pas uniquement sur le monde que nous percevons par le moyen restrictif de nos processus cérébraux. Selon ce courant philosophique, notre vision du monde est imparfaite et regorge de contradictions entre les concepts disparates de la physique classique et de la physique quantique. L’élément critique qui pourrait, après avoir une investigation scientifique dans un cadre rationnel, donner une réponse est : notre conscience.
Le postulat principal du biocentrisme est aussi le plus invraisemblable car il sort radicalement du sens commun. Il peut être résumé comme ceci :
« L’animal en tant qu’observateur crée la réalité et non le contraire »
En effet, sans organismes vivants quelconques, comment définir que quelque chose existe véritablement ? Nos perceptions créent la réalité dont fait partie le temps. Un contre argument pourrait être de dire que les choses existent depuis des milliards d’années, bien avant que l’homme, la molécule ou même les planètes existent. Bien entendu, il convient de situer les perceptions dans un cadre physique et mathématique avant de pouvoir comprendre essentiellement ces contre-intuitions. Si la conscience est analogue ou partiellement analogue à des processus quantiques, les rapports à l’espace et au temps changent totalement. De plus, pouvons-nous certifier que le temps ou l’espace ont une réalité plus véridique que les perceptions qui nous permettent d’appréhender ces concepts ? La « réalité physique » est un concept bien plus complexe que ce qu’il laisse apparaître au travers de notre vision anthropocentrique.
En effet, la « réalité » au sens mathématique et physique du terme, ne ressemblerait à rien de précis ou, pour s’approcher le plus d’un semblant conceptuel de réalité au niveau le plus fondamental, la réalité correspondrait à un champ quantique de probabilités.
Il est extrêmement difficile de percevoir que rien n’a de « réalité » au-delà de nos perceptions mais cette prise de position axiologique est essentielle afin de comprendre exactement de quoi nous parlons et où nous allons. Robert Lanza donne comme exemple, l’expérience du son d’un arbre qui tombe. Il décortique le processus au niveau physique qui représente des variations dans la pression de l’air qui se déplace rapidement dans une direction donnée. Cependant, aucun « son » à proprement parler n’est présent dans ce phénomène si on le considère comme entièrement indépendant de notre propre perception. Ainsi, l’expérience du son se construit uniquement par l’excitation de la membrane tympanique qui, à la suite de multiple processus de codage-décodage de l’information, celle-ci est transmise au cerveau qui va en créer une représentation interne ou cognition du son, pour reprendre un terme du philosophe. L’élément fondamental à retirer de cet exemple est que l’observateur incluant chacune de ses composantes organiques est autant essentiel dans la création du son que les différences de pression de l’air. On en déduit ainsi une corrélation entre le monde extérieur et la conscience de celui-ci et non pas une existence indépendante de ce monde extérieur tel que nous le percevons.
Pour citer d’autres exemples, nous pouvons considérer la sensation d’un objet solide qui dépend essentiellement de la force répulsive émanant de l’objet et non pas de sa consistance physique car un objet est constitué de 99.9999% de vide (les atomes étant composés essentiellement de vide).
Pour terminer, si on considère le phénomène de l’arc-en-ciel qui illustre de manière plus compréhensible ce principe qui va à l’encontre du bon sens mais pas de la logique. Il est nécessaire pour percevoir un arc-en-ciel d’être en présence de « composantes physiques » telles que de l’eau, du soleil (lumière) et un angle de perception précis. La réfraction de la lumière dépend essentiellement de chaque composante physique formant un système à part entière ainsi que de la place précise de chaque composante dans le système. Ainsi, l’observateur se situant à une distance éloignée du « point de convergence des paramètres » ne percevra pas l’arc-en-ciel de la même manière. On peut comprendre l’analogie précise que nous donne cet exemple de manière concrète. L’arc-en-ciel n’existe pas physiquement, il existe dans notre cerveau. La preuve est donnée ci-contre. Si une personne n’obtient pas les « paramètres de réalité » qu’une autre personne, celle-ci se construira une réalité différente que son voisin (l’un perçoit un arc-en-ciel et l’autre ne perçoit rien). Cette analogie semble logique et, pourtant, elle est au cœur de la problématique du biocentrisme. La réalité (telle qu’elle est perçue) n’existe que dans notre esprit. Ainsi, un autre élément essentiel est que :
« Si personne n’est présent, l’arc-en-ciel n’existe pas »
La dualité du monde : séparation distincte entre la perception interne et le monde externe
S’écarter de la vision communément admise d’une quelconque réalité est une action extrêmement périlleuse. On peut facilement le remarquer en méditant sur l’histoire de l’humanité. Il y a quelques siècles, les personnes qui avaient des idées ou même des preuves qui allaient à l’encontre de l’Église étaient simplement et efficacement éliminées. Actuellement, chaque individu a le droit à la liberté de penser qui est un privilège souvent oublié d’une valeur inestimable.
Le biocentrisme fait partie de ces idées nouvelles qui dérange car cette philosophie remet en cause un principe acquis depuis longtemps dans notre vision du monde : il existe indéniablement un monde extérieur totalement indépendant de nous-même, un univers gigantesque qui est tangible et présent depuis des milliards d’année. Cet univers sera présent bien après notre mort. Nous pouvons même dater approximativement la « mort de notre univers » à environ 80 milliards d’années qui, ou bien, s’écrasera sur lui-même, ou bien, se dilatera à l’infini dans le néant.
La dualité entre le monde extérieur et notre propre moi interne est une évidence car elle représente un concept appris et acquis depuis l’enfance. Une première illustration des limites de la vision dualiste est donné par Robert Lanza et concerne ce qui est généralement appelé : les membres fantômes. En effet, lorsqu’une personne perd un membre, elle peut avoir des perceptions en rapport au membre qui n’a plus aucune existence physique. On peut parler de cartes cognitives dans le cortex sensoriel qui sont découpées en représentations sensori-motrices du corps. Ainsi, lorsqu’un membre est perdu, la carte cognitive du membre est toujours active et, il faut du temps pour que la plasticité du cerveau agisse afin de « réattribuer » cette partie du cortex à cette nouvelle réalité somatique. Ainsi, on remarque ici la prédominance du cerveau dans la création de notre propre réalité.
Prenons l’exemple d’une tasse de café, celle-ci est composée d’atomes formant une surface ayant une certaine forme géométrique et caractérisée par des motifs en couleurs à sa surface. Quelle est sa réalité objective extérieure à notre manière propre de la percevoir ? Elle n’existe pas ou seulement comme une ensemble complexe d’informations que notre cerveau décode pour en reformer ensuite, une représentation homogène et holistique.
Ainsi :
« L’unique place où l’objet existe est dans notre cerveau. »
En outre, lorsque nous posons un regard « objectif » sur le monde qui nous entoure, on observe le résultat de nos propres cognitions entièrement analogues et subjectives à nos propres processus cérébraux étroitement liés au développement de notre espèce. Il est donc essentiel de considérer la réalité comme un processus perceptif complexe impliquant l’intrication entre les informations provenant du monde extérieur et nos perceptions internes.
A l’intérieur du paradigme philosophique du biocentrisme
La philosophie révolutionnaire du biocentrisme peut enfin ouvrir une nouvelle voie scientifique et conceptuelle de la conscience, de sa singularité et de sa place dans l’univers. Il est essentiel de faire un va-et-vient entre le paradigme strictement scientifique positiviste et l’ouverture paradigmatique amenée par la philosophie biocentrique afin d’entreprendre une compréhension holistique du phénomène de la conscience.
Pour comprendre entièrement les sept axiomes que propose Robert Lanza, il convient de suivre son raisonnement jusqu’au bout. Comme vous l’avez deviné, la philosophie biocentrique change entièrement de « point de vue » dans le sens littéral de la phrase. Il se positionne du point de vue de l’animal ou de l’être humain pour comprendre l’univers comme, non pas, une matrice indépendante de son observateur mais plutôt créé par son observateur. L’univers se trouve ainsi « dans la tête » de l’observateur qui, par analogie de « processeur naturel » (le cerveau) va partager cette vision de l’univers avec les êtres vivants de son espèce. Afin d’accepter cette vision radicalement différente car incompatible avec nos conceptions les plus fondamentales, il convient de se pencher sur deux « instances physiques » qui composent notre monde. Premièrement, il s’agit du temps et, secondairement, de l’espace.
L’univers que nous percevons au travers du temps et de l’espace est réglé par ce qui est appelé des constantes universelles représentant simplement les réglages physico-mathématique les plus fondamentaux permettant la formation et l’évolution de notre univers. Pour donner un exemple, si la constante gravitationnelle G avait été « paramétrée » un moindre peu différemment, l’univers se serait effondré sur lui-même ou n’aurait pas pu permettre la formation des étoiles et des planètes. On peut observer actuellement des quantités d’interprétations philosophiques concernant ces paramétrages d’une précision extrême permettant l’émergence à long terme, de la vie. Par exemple, la théorie du dessein intelligent (intelligence design), reprise par les frères Bogdanov propose par le biais de l’observation des subtilités de notre univers, l’existence d’une conscience supérieure à l’origine de notre monde, dans la singularité initiale avant le big bang. Cette proposition est intéressante mais elle apparaît incompatible avec la science car elle instaure indirectement une régression au dogmatisme religieux. Ainsi, nous allons nous diriger vers une proposition plus analogue au biocentrisme que propose le philosophe Robert Lanza.
John Wheeler (1911-2008) imagina un concept intimement lié à la physique quantique qui se nomme : le principe anthropique participatif (participatory anthropic principle, PAP). Ce principe compare l’univers au chat de Schrödinger qui se révèle uniquement lorsque la boîte est ouverte et se trouve mort ou vivant. Ainsi, pour ce physicien, l’univers prévalent à la vie se trouvait dans un état indéterminé. Donc, l’existence de notre univers « apparaît » uniquement par le moyen de notre regard rétroactif. Il est intéressant de considérer cet élément mais sans trop s’attarder dessus pour le moment. Par extension, ce principe résoudrait le problème du paramétrage subtil de l’univers car lorsqu’un observateur force l’état indéterminé de l’univers à se résoudre (effondrement de la fonction d’ondes dans le cadre de la physique quantique), les constantes universelles se synchronisent automatiquement afin de se caler sur les nécessités de l’observateur. La conclusion à retenir, pour l’instant, est celle-là :
« Parce que l’univers est créé par la vie, aucun univers stérile ne peut exister »
Ces conclusions semblent pour le moment « aberrantes ». Cependant, elles prendront peut-être plus de sens lorsque nous nous attarderons plus particulièrement sur l’expérience de la double fente (Einstein-Bohr experiment) et notamment sur les illusions que représentent le temps et l’espace qui sont actuellement les « unités de bases » nous permettant de catégoriser le monde et les objets dans le cadre de la physique classique.
En effet, la physique newtonienne utilise le temps et l’espace afin de décrire des phénomènes avec précision et elle représente aussi la base de notre conditionnement concernant la vision du monde communément admise. Cette physique fige notamment le concept de réalité qui dépend étroitement des conceptions de temps et d’espace. Ces conceptions fondamentales ne peuvent logiquement jamais être remises en cause car elles constituent l’essence même de notre description du réel. Le biocentrisme propose un angle de vue différent sur l’essence même de l’univers (espace et temporalité) qu’il convient de considérer afin de comprendre la place que cette philosophie attribue au phénomène de la conscience.
Qu’est-ce que le temps ?
Les équations mathématiques permettant de décrire les phénomènes physiques s’appliquent généralement sous deux formes : la première permettant de décrire le phénomène incluant une temporalité et, la seconde décrivant le phénomène sans le temps. Ainsi, le regard posé sur la nature dépend essentiellement de la présence ou de l’absence du temps au niveau du champ de la physique. La question fondamentale à se poser est de savoir si le temps peut être décrit comme un élément substantiel ayant une existence extérieure fondamentale et irréductible ? Le point de vue biocentrique opère un changement radical concernant le concept du temps tel que nous le concevons (comme des secondes, des minutes, des heures et des jours). Il définit le temps comme une projection de processus internes permettant de caractériser des éléments extérieurs tel que le mouvement et la perception de la continuité des événements. Cependant, la physique définit le temps comme un ajout conceptuel aux formules de bases qui n’ont pas strictement besoin du temps. Ainsi, le temps est conceptuellement relié au principe de changement et donc, opère lorsque les physiciens décrivent une fonction, un changement. L’essence fondamentale du temps est donc le changement. En thermodynamique, le temps permet de décrire l’entropie d’un système qui représente l’évolution de la complexité du système vers un système simplifié. Ainsi, les changements dans l’existence tels que la vieillesse ou la dégradation d’un corps inerte suivent le principe d’entropie (chaos) inhérent à notre univers. De ce fait, c’est le principe d’entropie qui définit le temps et sa direction car ce principe est irréversible (tout le monde va mourir, un jour). La notion de temps, au niveau macroscopique, est donc définit intrinsèquement par la notion d’entropie qui correspond au mouvement des molécules suivant une certaine logique (en bref, allant de la complexité à la simplicité). Vu que ce mouvement-là est unidirectionnel et irréversible car suivant le principe d’entropie, il suit un processus définitif. Cependant, le temps correspond uniquement au fait de découper un processus et donc, sa réalité s’opère en accord au mouvement de ces molécules-là dans cet espace-là.
Au niveau quantique, le temps n’a plus la même valeur car « l’expérimentation » de cette temporalité change entièrement. De plus, la relativité générale dans la physique classique décrit le temps comme entièrement relatif. Le temps est relatif à la masse et au moment (quantité de mouvement) et donc, à l’énergie disponible. Il est notamment entièrement lié à l’espace (cadre de référence pour le temps). C’est ainsi que les physiciens parlent d’espace-temps. Par exemple, si nous avions l’occasion de nous trouver au centre d’un trou noir, le temps serait figé ou, plus simplement, n’existerait plus. De même, si nous pouvions nous déplacer à la vitesse de la lumière, le temps perdrait toute « existence ».
L’angle de vue du biocentrisme définit le temps comme une création biologique de l’évolution permettant au cerveau et à ses processus de s’ordonner et de percevoir l’expérience du changement au sein des processus cérébraux internes (l’image x apparaît « avant » l’image y). Ainsi, partant de cette perspective, le temps représente une composante interne (illusion biologique) chez l’animal lui permettant d’animer les événements. Par analogie, le cerveau peut être comparé à un projecteur qui anime des images. Lorsque le projecteur est sur pause, les images sont figées. Pour voir le film, il convient de mettre en marche le projecteur (dynamique cérébrale) qui va faire défiler une suite d’images très rapidement jusqu’à ce que nous ne percevions plus qu’une continuité et non plus des images séparées. Le même type de processus opère dans le cerveau ou dans « l’esprit » qui va animer le monde et les événements en créant ainsi le concept du temps à sa mesure. Werner Heisenberg (1901-1976), pionnier de la physique quantique, définit la position dans l’espace comme appartenant au monde extérieur et le moment (momentum) comme appartenant au monde intérieur. En entrant dans le monde de la physique quantique, on observe que la notion de temps ne fait pas partie des bases de la réalité. Heisenberg définit clairement que : « les expériences en physique quantique remettent au centre de l’intérêt scientifique, l’opportunité de comprendre le monde par le biais des processus mentaux ». Le biocentrisme définit ainsi une nouvelle réalité indépendante du temps :
« La réalité n’existe pas en tant que matrice extérieure composée de propriétés définies attendant d’être découvertes mais, plutôt, se forme en rapport à l’attention et aux processus internes d’un observateur »
Un exemple flagrant est donné par Robert Lanza. Si on se trouve dans une fusée décollant verticalement et que l’on observe les gens en bas par un hublot, les mouvements de ces personnes apparaîtront au ralenti plus la fusée d’éloignera du lieu et plus la distance deviendra grande entre la fusée et la terre. Ainsi, les informations prennent plus de temps pour être décodées et interprétées par le cerveau et donc la formation d’images se succèdent différemment dans le cerveau qui d’un point de vue conceptuel « ralenti le temps » par le moyen unique d’un changement d’accès aux informations et, par analogie, d’un changement dans le processus de décodage des informations visuelles (nommé parallaxe en neurosciences). On remarque, par le biais de cet exemple, que c’est le lien direct entre l’accès aux informations et la création du temps qui permet d’ordonner les événements au sein du cerveau.
D’un point de vue « purement physique », le temps peut être compris comme entièrement relatif, tout comme l’espace. Albert Einstein (1879-1955) définit le concept de l’espace-temps dans la théorie de la relativité générale comme la « toile de fond » de l’univers qui se modifie en fonction des conditions (forces extérieures). L’espace-temps est donc une abstraction conceptuelle qui n’est pas immuable. En effet, la distorsion de l’espace-temps par le biais de la gravité ou du mouvement modifie le cadre de référence permettant d’appréhender des objets. Ce principe physique amène à certains paradoxes comme la chute d’un corps dans un trou noir. En effet, lorsqu’un corps tombe dans un trou noir, la trajectoire de la chute dépend entièrement de la perspective. Pour un observateur externe, l’objet semblera figé près de l’horizon du trou noir. D’un autre côté, pour la personne décidée à plonger dans le trou noir, la chute s’accélérerait de plus en plus en fonction de la force gravitationnelle expansive.
Ainsi, le temps est un concept abstrait et non substantiel. Il dépend entièrement du cadre de référence ainsi que de la nature des processus cérébraux internes permettant d’appréhender les événements extérieurs. Donc, rien n’est réel au-delà de la perception des changements qui dépend entièrement des processus cérébraux sous-jacents. Sous l’angle du biocentrisme, le temps n’est plus de type séquentiel mais dépend de l’ordonnancement précis des changements d’état des objets ainsi que des processus cérébraux sous-tendant la continuité et donc, la temporalité.
Ainsi :
« Le temps n’a pas d’existence propre au-delà de la vie qui, par le moyen des processus cérébraux permet de donner une réalité au temps en le percevant »
Qu’est-ce que l’espace ?
L’espace est communément pensé comme un environnement physique concret qui régit notre quotidien. Il est possible de mesurer l’espace en trois dimensions grâce à différentes unités bien établies, ce qui donne encore plus de crédit à la vision conventionnelle de l’espace. Cependant, le point de vue atypique proposé par le biocentrisme diverge de nouveau du sens commun en observant plus attentivement l’essence même de l’espace et sa valeur relative. En tant qu’être vivant, nous sommes habitués naturellement à considérer l’espace comme une extériorité nous permettant d’évoluer (à l’intérieur même de cet espace, on peut se mouvoir). Le fait de penser effectuer des actions à l’intérieur même d’un espace délimité confère une extériorité à cet espace. Cependant, dans la vision biocentrique, l’espace tout comme le temps possède une réalité conceptuelle. Ces concepts se forment essentiellement au travers de la perception subjective qui émerge de notre encéphale. Ainsi, il est clairement possible de comprendre, par le moyen du traitement des informations spatiales, quels processus sous-tendent la perception des objets (construit par le cerveau) dans l’espace. En outre, l’esprit ou la conscience intègre des informations selon un conditionnement cérébral précis définissant les objets en fonction de leurs particularités (ressembles, différences) ainsi qu’en fonction du développement phylogénétique (propre à l’espèce) des cinq sens, des caractéristiques propres aux afférences sensorielles et du cortex cérébral (centre décisif d’intégration). Robert Lanza décrit précisément que les objets et l’espace sont concomitants ainsi qu’interdépendants dans la création d’une cognition holistique d’un phénomène (globalité du phénomène). Ainsi, la distance permettant essentiellement de caractériser l’espace est de nouveau un concept abstrait perçu par notre cerveau qui va pouvoir ainsi segmenter l’espace en trois dimensions en y intégrant les objets comme des éléments séparés.
Cette vision extrêmement nouvelle va à l’encontre de notre vision du monde conventionnelle provenant du conditionnement systémique de nos apprentissages et, notamment, de la manière de mettre des mots sur notre expérience subjective.
Albert Einstein est essentiellement connu pour sa théorie générale de la relativité qui démontre scientifiquement que ni l’espace, ni le temps, ne sont des constantes et, donc, n’ont aucune valeur absolue. Ainsi, le cadre de référence (variables physiques) va faire varier l’espace et le temps. Robert Lanza donne un exemple flagrant de la modulation du temps et de l’espace. Si nous pouvions voyager à 99% de la vitesse de la lumière, une pièce de six mètres carré nous apparaîtrait comme une micro-pièce de un mètre carré. De plus, le temps passerait entièrement différemment si nous pouvions vivre dans une mégastructure déployée autour du soleil. Le temps passerait plus lentement car le soleil possède une masse plus élevée que la terre et donc courbe l’espace-temps. Ainsi, le temps et l’espace possèdent des valeurs relatives.
De plus, les découvertes en physique quantique permettent de clarifier le fait que les phénomènes réels apparaissent simultanément et corrélativement avec l’acte d’observation ou de conscientisation de l’objet (particules subatomiques, micromolécules voir macro-système quantique tel qu’un condensat de Bose-Einstein). De ce fait, l’observateur joue ainsi un rôle fondamental dans la création de la réalité qu’il perçoit.
Ainsi, l’espace dans la vision du biocentrisme représente une projection de notre propre esprit qui permet d’organiser l’expérience de la réalité en trois dimensions.
Les points à retenir concernant la perspective de l’espace dans la vision biocentrique peuvent se résumer comme ceci :
« La distance entre les objets est relative aux conditions préalables (masse ou vitesse) et ne constitue donc pas une valeur absolue. »
« La physique quantique questionne la réalité de l’existence d’une séparation réelle entre les objets. »
« Nous voyons une séparation entre les objets car nous avons appris à catégoriser les objets par le moyen de notre conditionnement précoce. »
« Les objets, le temps et l’espace sont créés corrélativement avec nos propres processus cérébraux et donc, représentent des concepts abstraits qui naissent à l’intérieur de notre esprit. »
Les sept axiomes du cadre paradigmatique du biocentrisme
- Ce que nous percevons comme la réalité est un processus impliquant notre conscience. La réalité « externe », si elle existe, serait par définition située dans l’espace. Ceci n’a pourtant pas de sens car l’espace et le temps sont des réalités non-absolues mais plutôt analogues ou relatives à l’esprit animal et humain.
- Le comportement des particules subatomiques incluant toutes particules qui composent les objets est inextricablement lié à la présence de l’observateur. Sans la présence d’un observateur conscient, elles se situent au mieux dans un état indéterminé d’ondes de probabilité.
- Nos perceptions externe et interne sont inextricablement imbriquées. Elles représentent différents côtés du même coin et ne peuvent pas être séparées.
- Sans la conscience, la matière réside dans un état indéterminé de probabilité. Tout type d’univers ayant précédé la conscience existe uniquement dans un état de probabilité.
- La structure de l’univers est explicable seulement par le moyen du biocentrisme. L’univers est fait pour la vie, ce qui fait sens car c’est la vie qui crée l’univers et non le contraire. L’univers est simplement un arrangement spatio-temporel logique créé par le « self ».
- Le temps n’a aucune existence réelle en dehors de la perception de l’animal. Il représente un processus par lequel nous percevons des changements dans l’univers.
- L’espace, tel que le temps, ne représente pas un objet ou une chose. L’espace est un élément qui émane de nos capacités perceptives et qui n’a pas de réalité propre. Nous emmenons avec nous l’espace et le temps comme une tortue sa carapace. Cependant, il n’y a aucune matrice absolue d’existence dans laquelle chaque événement physique apparaît indépendamment de la vie.